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FAIRE PASSER LA VIE A TRAVERS SOI
17 mai 2007

L'inattendue et improblable rencontre avec le peuple Kuna

L'idée était donc de passer le bouchon le Darien, bout de terre recouvert de forêt vierge, sans route carrossable ni fréquentable, qui sépare physiquement les deux Amériques. Il y en a bien des centaines clandestines, comme le commerce qu'elles transportent car, autour de ce petit nombril ou peut-être mieux dit cordon ombilical, se joue par terre, air et mer, le très lucratif trafic de la plupart de la drogue et des clandestins suraméricains et chinois vers les Etats-Unis.

Bref, tout cela pris en compte, pas question de prendre l'option terre. Pour répondre à notre objectif de ne pas sauter d'étapes en décollant du plancher des vaches, qu'elles soient terrestres ou marines, et pour rester dans nos limites budgétaires, nous nous décidons pour la voie maritime et mettons le cap vers l'archipel de San Blas, pour commencer en beauté et en compagnie, pour une paire de jours, de Zed et d'Emilie, notre longue traversée.

Au large, il y a bien la guerre de course entre les hors-bords surpuissants des narcotraficants colombiens et des gardes-côtes des Etats-Unis, mais rien qui puisse nous affecter.

Et puis surtout, au beau milieu de tout ce bazar, on trouve le peuple kuna, indigène insulaire, qui a colonisé il y a quelques siècles un archipel au nord immédiat de la côte atlantique du Panama.

Partons de Panama Ciudad en jeep, abandonons la route asphaltée à El Llano pour s'engouffrer sur une piste en forme de montagnes russes qui traverse en largeur la Comarca de Kuna Yala, le département autonome des indigènes Kunas, une communauté d'environ 70 000 âmes, dont 40 000 vivent toujours là, suivants leurs traditions multiséculaires.

Arrivés dans la mangrove, la jeep s'arrête et nous embarquons dans une longue pirogue qui bientôt débouche dans la mer des Caraïbes pour nous laisser quelques dizaines de minutes plus tard sur l'île de Carti Yantupu ou nous passerons une fantastique semaine dans la famille d'Arquimedes Fernandez, entre expéditions sur les îles, snorkeling (on a vu un gros requin) et découverte de la culture kuna.

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Les kunas, selon leur tradition orale, sont originaires de l'actuelle Colombie, d'où ils ont été chassés par d'autres éthnies puis par les Espagnols au XVIème siècle. D'abord installés sur la terre ferme, ils se sont progressivement déplacés sur les îles pour échapper aux moustiques et autres nuisances du climat tropical humide.

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Aujourd'hui, on compte environ 70 000 Kunas : 32 000 dans les îles, 8000 sur la "tierra firme" et 30 000 en dehors de la Comarca. Seules environ 40 îles sont habitées sur plus de 400 qui forment l'archipel. Les Kunas vivent concentrés dans des villages extrêmement bien organisés autour de la figure du "Saïla", le chef et de ses conseillers. Tous les jours, le "congreso" local se réunit dans la maison commune, au centre du village, pour discuter des problèmes de la communauté. Tout le monde peut assister et participer à la réunion. C'est également le tribunal de la comunauté où sont jugés, en interne, les délits et les crimes. Si le conseil juge, preuve à l'appui, une personne coupable du meurtre d'une autre, celle-ci est enterrée vivante avec la victime...

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Les saïlas échangent beaucoup entre eux et voyagent régulièrement dans les autres îles de l'archipel. Ils se réunissent au sein du "congreso supremo" pour discuter des problèmes de l'ensemble de la Comarca et trois d'entre eux, élus députés, repésentent la Comarca auprès de l'Assemblée Nationale à Panama Ciudad.

La maison communautaire est également le lieu où les traditions sont transmises. Le saïla les chante dans un langage savant, uniquement connu des initiés, et le "kandule" les traduit pour que ceux qui veulent apprendre puissent avoir accès au savoir. Il s'agit des légendes, de la médecine traditionnelle et des différents rites qui marquent la vie des personnes et de la commnauté. Par exemple, le "développement" d'une jeune fille (l'arrivée des premières règles) où encore l'anniversaire de ses 15 ans font l'objet de rites très complexes qui la tranforment en femme.

Toutes les maisons d'habitation sont de vastes cases de bambous avec un toit de feuilles de palme tressées. Une maison accueille généralement toute une famille et donc une bonne dizaine de hamacs, seul endroit de détente et de sommeil des Kunas sont tendus entre les poutres qui forment la charpente.

Le hamac a une telle importance dans la vie des Kunas que tous les morts sont enterrés enroulés dans le leur. Ceci est à ce point important que ceux qui meurent en dehors de la Comarca - à la capitale pour la plupart - sont sortis du cercueil dans lequel le corps est rapatrié pour être enveloppés dans un hamac avant d'être mis en terre.

Il existe également des groupes importants de kunas en Colombie, principalement les Arquías et les Caimans. Ceux-là ont les cheveux longs et ont, selon leurs descendants panaméens, davantage préservé les traditions. Ainsi, les jeunes kunas du Panama qui veulent réellement apprendre doivent aller en Colombie pour retrouver le savoir originel. C'est là-bas aussi que serait enterré Ibe Orgun, le "prophète" kuna qui aurait vécu 300 ans et enseigné aux kunas leur religion, la manière de construire les maisons communautaires, leurs traditions et toutes les valeurs positives qui en découlent. La soeur de Ibe Orgun a enseigné aux femmes comment réaliser les molas (pièces de tissus cousues) et leur a transmis les motifs de base, comme la croix, qui représente une médecine traditionnelle type talisman que l'on place auprès des hamacs des malades pour qu'ils guérissent.

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Les Kunas disent avoir connu quatre grandes révolutions dans l'histoire de leur peuple. La première est le conflit entre Piler et Tad Ibe. Piler était le premier homme envoyé par dieu sur terre, mais il s'était rapidement pris pour dieu lui même et pour le punir, dieu a envoyé Tad Ibe pour le tuer et prendre sa place. La seconde, celle des descendants de Tad Ibe contre les "cannibales", des tribus venues des Caraïbes. La troisième est l'affrontement avec les Espagnols et la quatrième contre le gouvernement panaméen en 1925 pour défendre les terres kunas. Cette révolte marque le début du processus d'autonomisation qui aboutit en 1989 à la création de la Comarca Kuna Yala avec un statut autonome. Cette communauté est aujourd'hui un exemple pour de nombreuses communautés indigènes à travers le monde.

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